Les mains douces

Il m’a dit : « Si j’étais une femme, je voudrais être comme toi. »

 

Je ne sais pas quoi vous dire de plus.

C’est le plus beau compliment qu’un homme m’ait jamais fait. Je me suis chaleureusement félicitée de l’avoir ramené dans mon lit la veille, celui-là. Je lui avais proposé l’hospitalité, il était loin de chez lui. Il m’avait répondu : « je ne voudrais pas te décevoir, j’ai aucune libido depuis quelques mois. » J’avais ri. Ok, on met carte sur table comme ça, on la joue franco ! Je veux bien dormir avec toi même si tu ne me fais pas l’amour. J’aime bien tes yeux et ce serait dommage que tu te niques le dos à dormir dans ta voiture alors que j’ai un lit king size à disposition.

On était épuisé par une infiniment longue journée de travail et une soirée de fête, on a dormi. Jusqu’au petit matin, où j’ai senti un pied venir faire connaissance avec les miens. Tiens, tiens… Après deux heures de caresses, petits bisous et câlins dans un demi sommeil cotonneux, on a rempli la pièce d’ondes langoureuses et il n’est plus question de différer l’accouplement. « T’as des capotes toi ?  – Commençons par une déjà, mais non… – Moi non plus ! »

La folie ou la colère me guette, je ne sais pas bien. J’ai rarement eu un truc aussi fébrile dans le corps : « Là maintenant tout de suite (pitié) ». Mais je ne cèderai pas, je me suis fait peur assez de fois et je suis maintenant assez adulte, quand même, pour m’éviter ces ennuis. Il finit par aller vérifier dans sa veste, et ô joie, ô bonheur, je peux finalement l’accueillir en toute sécurité. Je suis sur lui, et c’est bon… Pas qu’il me remplisse vraiment mais il y a une alchimie spéciale, vraiment efficace… Et on jouit en même temps, ce qui est quand même assez exceptionnel pour une première rencontre pour être écrit noir sur blanc ici.

Mais en fait, le plus marquant pour moi dans cette jolie petite histoire, c’est le naturel. J’ai rarement eu si peu d’arrières-pensées en abordant un homme. Même avec un femme apparemment rivale dans les parages la veille au soir, pour une fois je ne me laisse pas démonter, je viens, je reste, je souris… Et je ramène le gibier au lit. C’est peut-être ça qui est vraiment chouette à 30 ans et des brouettes : je sais ce que je désire, je me fous de ce qu’on pourrait en dire, et je jouis.

Le lendemain, il a dit aussi : « t’es pas le genre qui n’obtient pas ce qu’elle veut. »

Espérons. Mais la vraie question demeure… Qu’est-ce que je veux vraiment ?

haleine et dialogues

À cette époque, je vivais une aventure relativement platonique avec un type qui a une haleine épouvantable (d’où la platonicité d’ailleurs). Vous avez déjà réussi, vous, à dire à quelqu’un que son haleine, là, c’est pas possible, même lui parler c’est parfois compliqué ?
J’ai réussi à lui demander s’il consultait régulièrement son dentiste, parce que c’est important de surveiller qu’on n’a pas de carie, et j’étais déjà hyper fière de moi. Résultat : nada. Et je n’ai jamais trouvé le courage d’aller plus loin.
Dans tous les sens du terme.

Il y a quelques mois, quand je rencontre l’Homme Marié, je découvre un autre pouvoir de l’haleine, beaucoup moins répulsif.

Au début, nous sommes d’éphémères collègues de bureau, blagueurs et de bonne humeur, bien partis pour être bons copains. J’ai faim, et je crois que ce trouble léger qui est le mien, qui me chatouille le ventre, n’est que la conséquence de 4 mois d’abstinence, OUI VOUS M’AVEZ BIEN LUE. Mon record en 18 ans de vie sexuelle. Aucun rapport avec lui, j’y prête donc le moins d’attention possible.

Le déjeuner au self offre toujours l’occasion de faire plus ample connaissance dans des circonstances, somme toute, peu réjouissantes ni sensuelles. Mon autre petit collègue provisoire, mon cadet, qui me reluque passionnément depuis le matin, commence à questionner le beau quadra.

–  Alors comme ça, tu es papa…

–  Oui, blablabla.

–  Et tu es toujours en couple avec sa mère ou vous êtes séparés ?

Vous imaginez bien avec quelle attention toute particulière j’écoute sa réponse…

–  Ça fait maintenant 19 ans qu’on est ensemble avec sa mère ! Alors je peux vous le dire, à vous les jeunes : les vrais rebelles, c’est les hommes fidèles !

 

 

Y a comme un truc qui s’effondre en silence en moi. Très bien. Bon bon.

Je me tourne vers le minot : « Alors comme ça, t’es Breton ? »
C’est fou comme un homme fidèle à sa femme peut te recentrer sur tes priorités : où est le mâle mignon et disponible le plus proche ?
Néanmoins je suis forcée de reconnaître que j’étais réellement troublée. Un homme fidèle, en plus, vraiment… Ça fait un peu rêver !

Un peu plus tard, de retour au bureau, il se penche par-dessus mon épaule pour me montrer quelque chose sur mon écran. Son visage est tout près du mien. Son corps touche mon corps. Quand il me parle, je sens l’odeur douce et un peu écoeurante du café flotter jusqu’à mes narines.

J’aime pas le café. Mais là. J’ai. Tellement. Tellement ! envie d’un café.

 

 

La journée est finie. Il fume une cigarette avant de quitter les lieux. J’aurais juré qu’il m’attendait. On marche un peu, on papote et rigole comme on ne cesse de le faire depuis le matin et notre rencontre. Cette odeur de fumée… Moi qui évite les fumeurs depuis quelques années, parce que depuis que j’ai arrêté ça ne m’attire plus du tout…

Oh je fumerais volontiers sur sa blonde là, ou alors… Une petite pipe peut-être ?

 

 

L’homme marié

« La vérité mon cher, c’est que j’ai tout le temps envie de te rejoindre, dans cette ville si proche et si lointaine. Ça m’ennuie, ça me réjouit, c’est bien agréable et c’est bien embêtant.
Je pense à toi quand je me réveille. Et je ne me rendors pas.

Les journées sont plus longues, tant mieux, ou tant pis.
Y a rien de grave, c’est juste cette frustration de n’avoir pas pu te serrer de toutes mes forces entre mes bras qui vient me taquiner parfois dans la journée. J’ai envie de te raconter tout ça, et cette envie de café qui m’envahit quand tu me parles de si près juste après avoir bu le tien. Cette envie de cigarette, aussi, quand la fumée s’échappe de ta bouche.

Si et quand j’aurais comblé ce désir, il y en aura un autre ; ce que je ressens là, ça va devenir ma réalité, l’eau de mon aquarium.

Et puis j’ai peur de te faire mal, c’est vrai, sincère.

J’ai l’impression qu’il faut partir sur la pointe des pieds. T’embrasser sur le front et ne pas me retourner.
J’aurai les genoux légers, dérobés, les larmes au bord des yeux et puis ça passera. Comme un nuage un jour de Mistral. »

 

J’ai écrit cette lettre.

J’ai pleuré un coup. Et puis j’ai tourné la page de cette (jolie) rencontre.

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Il est vendredi, il est midi ; c’est le retour des Bisoux Magiques.

À la semaine prochaine !

La délicatesse

J’avais donc emménagé dans mon nouvel appartement et, pour fêter ça, j’avais invité un de mes amis à dîner à la maison. Ce qui est un peu marrant, c’est que je voulais le pécho le soir où j’avais rencontré le Grand-Méchant-Ex. Ça n’avait pas marché, vous l’aurez compris. Si ça vous intéresse, je vous raconterai cette épique soirée une prochaine fois. Maintenant qu’on se connaissait mieux, bizarrement, je n’avais plus l’intention de lui rouler des pelles. Tout était cool. 

Il propose d’inviter un de ses amis, qui vit dans le même bled que moi. Ça tombe bien, ça m’arrangerait d’avoir un pote à moins de 30 mn de chez moi ! Le voisin ramène un de ses amis d’enfance, ok, très bien, c’est soirée couilles.

Les garçons fument des pétards et discutent jeux vidéos, je me fais chier comme un rat mort, mais que voulez-vous ! Il faut bien que jeunesse se passe ! Et puis l’avantage quand on s’ennuie, c’est que la vie dure plus longtemps. 
En partant, le voisin m’assure qu’il va organiser à son tour un apéro chez lui avec les copains, je me promets de réviser mon Secret of Mana histoire de les lancer sur un sujet que je connais un tout petit mieux que pas du tout.

Quelques semaines plus tard, effectivement, je reçois un message d’invitation pour le samedi suivant. C’est super, même si je bosse ce dimanche, ça me fera du bien de prendre l’air.

Le jour J, alors que je sors du taff, le bonhomme me passe un coup de fil pour me prévenir que les copains se désistent et qu’on va se retrouver en tête à tête. Moi, je m’en fous : j’ai prévu de sortir, je sors ! 

Je le trouve un peu nerveux quand j’arrive chez lui. Il me sert un rhum, ok, merci. Il roule ses pétards, ok, non merci. Du coup il fume seul. Et beaucoup. On part dans des débats philosophiques et je le largue complètement. Réaliste, il me complimente donc abondamment sur mon intelligence et mon verbe, merci, mais bon, moi je me fais un petit peu chier, j’aimerais bien rentrer chez moi.  Pas question que je quitte les lieux sans avoir dîné, il me doit bien ça et semble assez offensé, et puis d’ailleurs je ne bois pas beaucoup, allez, finis ton verre que je te le remplisse.

Avec tout ça, j’ai envie de pisser. Je m’enferme au petit coin, qui est vraiment petit. De l’autre côté de la cloison, la cuisine, où je pourrais espérer qu’il s’active un peu, il est déjà 23h et je bosse demain, moi, bordel ! Mais non… Je l’entends qui téléphone : blablabla… « Il y a Bisoux qui est là… » 

Tiens, tiens ! Je tends l’oreille, jusqu’à la coller à la cloison, plutôt trop fine, qui me sépare de lui : « oui, j’espère que ça va marcher, j’ai vraiment envie de niquer ! »

Il y a une issue de secours à ces chiottes, ou comment ça se passe ??

Je reste kéblo un moment, je finis par tirer la chasse, et me lave les mains consciencieusement en multipliant pas 28 les recommandations sanitaires en vigueur tout en essayant de réfléchir à une réaction adaptée.

Comme c’est un ami d’ami, je choisis le silence diplomatique et la fuite dès que possible.

À peine ai-je franchi le seuil de la pièce qu’il me tend mon verre, toujours (magie !) plein de rhum. C’est là que je me dis que la naïveté, c’est mignon quand on a 6 ans, pas 30. Le mec essaie juste de me saouler. Malheureusement pour lui, il n’y arrive que trop bien : je rêve de rentrer chez moi. Pour passer le temps, je tire quelques taffes sur ses pétards. Très mauvaise idée : je me retrouve border paranoïaque, à me demander si ce type est aussi inoffensif que je l’avais cru initialement et à m’imaginer être le prochain fait divers sordide en une du journal régional.

J’étais donc à deux doigts du « sans vouloir te commander, quand est-ce qu’on mange », il a dû sentir que j’allais le mordre et que ce ne serait pas du tout sexuel, alors il a réchauffé un truc tout prêt et on a enfin pu manger. Du coup, j’ai enfin pu annoncer mon départ, non sans un soulagement certain. J’ai enfilé mon manteau et le voisin s’est habilement glissé entre moi et la porte. Comme il habite dans une résidence sécurisée (mon dieu quelle horreur), il fallait encore qu’il daigne m’ouvrir la grille extérieure pour que je puisse regagner mon paisible domicile.

Il a cru que c’était sa dernière chance, il l’a saisie : « Tu peux dormir ici, tu sais, on a un peu bu… »

Oui, enfin, j’habite à 1 mn en bagnole, 3 mn à pied, je pense que ça va aller, merci ! Haaaaa mais !! 

Le temps d’arriver chez moi, et de savourer ma liberté retrouvée, j’avais déjà un texto : « c’était trop bien cette soirée, j’espère que tu es bien rentrée… » Un autre le lendemain matin, et un troisième le lendemain soir, tous restés, vous vous en doutez, lettre morte.

Ainsi s’acheva ma fulgurante amitié de voisinage. 

Ayant raconté cette réjouissante mésaventure à quelques-uns de mes amis (remerciez-les, sans eux je ne serais pas là à vous raconter mes conneries), nous avons débattu des diverses possibilités qui s’offraient à moi ce soir-là. : le rire, l’interrogatoire, la baffe… J’admets que le silence n’était pas la meilleure option, ni la plus courageuse, ni la plus franche. À ma décharge, j’étais fatiguée, affamée et faut pas trop m’en demander. Et puis, merde, la lâcheté ne peut rester l’apanage des hommes, sinon c’est pas drôle ! 

Quand le Russe change d’identité 

Entre deux parties de jambes en l’air, vous l’aurez compris grâce à l’épisode 2, on discute, avec le Russe. Et notamment de sa foi. 

Ça m’intéresse drôlement, quelqu’un qui croit en Dieu. Moi aussi, je crois qu’il y a quelque chose qui me dépasse… Mais quoi exactement ? J’en sais trop rien. En tout cas, je m’intéresse beaucoup au bouddhisme et à la méditation. Quant à l’Eglise, nos rapports ne sont pas franchement paisibles. On en parle. Tout à coup et sans raison dont je me souvienne, la moutarde me monte au pif : HA mais moi, l’Eglise, j’aurais bien aimé en faire partie ! Quand j’étais gosse, je voulais être enfant de chœur. Bah non, me répondent mes parents un peu désolés. « C’est pas possible : tu es une fille. » Puisque c’est ainsi, je serai prêtre ! Et ma sœur de surenchérir : « et moi je serai PAPE ! » Je vous raconte pas la tête des procréateurs, consternés : elles ont pas tout compris les gamines…

Effectivement, ça m’a pris du temps, mais j’ai fini par comprendre le message : t’es née avec des ovaires ? Super, tu peux être bonne sœur ou maman-cathé. 

Plutôt crever. 

Un matin, le Russe m’explique que Dieu, c’est Jésus et vice versa. D’accord, mais que fait-il des musulmans…? Des Juifs…? C’est simple, ils se trompent. Ils cherchent encore, Dieu, ils ne l’ont pas trouvé. Je vous passe les détails de nos conversations théologiques sur la chair du Christ et compagnie. Le verdict tombe. Dans ma tête, le Russe est devenu l’Intégriste Catholique. Et même si c’est marrant, dans le fond, ça ne me fait pas rire. 

Je crois qu’on ne sera jamais d’accord sur rien, et moi, je cherche l’homme de ma vie, je vous rappelle. Élever des enfants avec un type qui passe sa soirée de Noël à la messe de minuit, très peu pour moi. C’est aussi simple que ça. 

Sexe & sexes

L’autre jour, je discutais avec Monsieur d’une rencontre horizontale récente et quelque peu décevante, à mon avis. Je tiens à préciser tout de suite que mon avis est important, pour moi d’abord, mais aussi pour vous. Ne me contredites pas ! Je suis la moitié de la décision, au moins, de recommencer, que ce soit par indulgence et « peut mieux faire », que pour vérifier que « wouahou ! oh lala oui ! »

« Mais c’est-à-dire, décevant ? » « Bah… On en avait vraiment très envie tous les deux, je crois, et du coup j’ai pas eu le temps d’en profiter… alors j’avais envie de recommencer ! » Aborder ce sujet avec un homme, même avec délicatesse, en trouvant des excuses à l’amant hâtif, c’est s’exposer quasi inévitablement au laïus sur sa vie sexuelle à lui…
Vous verrez qu’avec Monsieur, il y a une composante à ces conversations assez particulière : il part très vite dans des considérations sociologiques. En l’occurrence, il m’explique qu’il est frappé par la volonté de jouir des meufs, de nos jours. Il semblerait qu’avant, on réclamait des préliminaires, des caresses à n’en plus finir et que si, finalement, par hasard, on n’avait pas d’orgasme, on n’en faisait pas toute une histoire. Les garçons qu’ils étaient ont eu un mal fou à se faire à ce rythme langoureux. Et voilà qu’à la trentaine, la femme veut tirer son coup, sait s’y prendre, atteint l’orgasme et s’endort, repue. Tous ces efforts pour rien, donc, car la femme est devenue un homme comme les autres. Apparemment, je ne fais pas exception à la règle. J’avais mis un terme aux caresses pour ne pas jouir avant la pénétration, mais j’aurais voulu jouir quand même. À mon avis, on en a surtout marre de se faire avoir (mais on se fait avoir quand même).

Je clos cette intéressante conversation par un rassurant : « Je dois être trop habituée aux peine-à-jouir » et on se régale de cette expression délicieuse.

Moi, je pense au Russe.

Le Russe peut te faire l’amour TOUTE LA NUIT. Sans blague : machine de guerre.
Alors bon, évidemment, t’es trempée de sueur (la sienne), tu as des brûlures au troisième degré à des endroits inavouables et tes voisins te supplient de vivre dans une chambre capitonnée, mais je trouve ça génial, vu que j’ai été un petit peu frustrée par mes trois dernières années de couple où le sexe, c’était compliqué. Là, je profite, je me détends, il y a profusion, je crois que j’ai découvert la source du bonheur charnel…

Sauf que le bonheur, il est meilleur partagé. Une nuit, deux nuit, on se réjouit. Mais quand ça dure, ça devient un sujet de conversation. Un vieil ami me confirme que ça arrive, notamment si l’homme n’a pas pris de femme depuis longtemps. Comme s’il ne trouvait plus le chemin. La pression est forte, sur nos amis de sexe masculin : il faut tenir, résister, endiguer. Satisfaire. Alors, parfois, se lâcher…
Je découvre qu’on peut manquer cruellement de la jouissance de l’autre, même quand cet autre est un homme. Cette jouissance qui met pourtant fin aux réjouissances. Je finis par être obligée de sortir mon drapeau blanc, de me rendre, je n’en peux plus. Je demande l’armistice. Je veux dormir, je veux lire, je veux n’importe quoi mais arrêter de baiser. C’est trop bon… C’est trop long !

Le Russe, épisode 2

Quelques jours plus tard, après de nombreux échanges de SMS, photos, et coups de fil nocturnes, le Russe monte dans un train et je file le récupérer dans une gare. 

On pourrait admettre qu’on sait très bien pourquoi on est réuni là et passer tout de suite aux choses sérieuses. Mais non. On choisit d’un commun accord, quoique tacitement établi, de jouer les cons et de faire comme si de rien n’était. Évidemment, on est chauds bouillants, l’attente a bien cristallisé le machin et on est prêt à s’envoyer en l’air et à tomber amoureux dans la foulée. 

Ouais, carrément. Aux grands maux les grands remèdes, paraît-il, et nous sommes tous les deux du genre à prétendre. Lui, qu’il faut absolument des sentiments, un truc spécial du cœur, pour que notre attirance chimique ait l’autorisation de s’épanouir. Moi, que j’ai tourné la page, que le Grand Méchant Ex, c’est du passé, et qu’il ne reste rien de cette sombre et lumineuse histoire comme les autres. 

Par-dessus le marché, ça fait un moment que j’ai compris que même pour un truc léger et sans avenir, j’ai absolument besoin d’une complicité intellectuelle.  Ma libido est logée dans mon cerveau, comme toi, mais aussi sur tes étagères, et c’est là que ça devient un peu moins banal. Un mec qui ne lit pas ne m’excite pas : pas de bouquins, pas de plaisirs coquins. Souvent, ça me complique un tout petit peu la vie, puisque mes histoires de fesses sont au moins des amitiés, et que si on est ami et que le sexe est très bon, la question de l’amour se faufile rapidement. 

En l’occurrence, le sexe est très bon quoique sans fin, le Russe sait lire et, pompon sur le gland, il croit en Dieu.

Le Russe – désir et (a)normalité

Quelques semaines après mon installation provisoire chez des amis, on organise une petite fiesta. Ça tombe bien, j’ai trouvé un appart’, j’ai enfin quelque chose à fêter. Cette rupture d’avec le Grand Méchant Ex est le parfait régime bikini au moment d’entrer dans l’hiver : j’ai un corps de nymphette de magazine, je me sens super sexy, je rentre dans mes slims en sautant à pieds joints dedans… mais je ne respire pas franchement la joie de vivre.

Tous ceux qui m’aiment font ce qu’ils peuvent pour me remonter le moral, sans grande efficacité. Jusqu’à ce que Monsieur me dise : « Dis, tu te souviens du Russe..? »
Tiens, euh, oui, maintenant que tu m’en parles, je me souviens très bien de ce mec charmant rencontré 9 mois plus tôt. J’ai un truc avec les périodes de 9 mois. Une sorte d’affection un peu magique. On verra si je dirai toujours ça après une grossesse et un accouchement.
« Hé bien, figure-toi qu’il est conceptuellement amoureux de toi. Si, si, je te jure. »
Je rêve ou le mec sous-entend que je devrais ne pas en revenir qu’un type soit amoureux de moi après seulement un week-end au ski entre amis ?!

Bon. Mais « conceptuellement », quoi…

Monsieur enchaîne : « Enfin, je crois qu’il te faudrait quelqu’un d’un peu plus normal. »
D’après mon expérience, ceux qui paraissent normalement (a)normaux au début se révèlent être des psychopathes des relations humaines au bout de quelques mois (ou années). Quant aux normaux-normaux, est-il utile de préciser que c’est juste pas du tout ma came ?

Je fanfaronne et rigole, pour masquer mon trouble : « Ha ! mais moi, j’en aurais bien fait mon 4 h, à l’époque ! » C’est pour s’amuser qu’on rigole, et qui oserait croire que je dis tout simplement la vérité ? Je n’allais pas rentrer dans les détails, que je m’étais empressée d’oublier dès mon retour de ces minuscules vacances, et qui se bousculaient maintenant dans ma tête comme autant de dominos-souvenirs. Cette nuit, par exemple, que nous avions bien entamée à papoter en tête-à-tête accoudés au balcon, fumant ou vapotant en regardant les étoiles, bravant le froid l’air de rien, juste pour trouver un peu d’intimité dans un de ces appartements montagnards exigus. Une fois allongée à l’étage, impossible de trouver le sommeil, j’hésite de tout mon corps à le rejoindre sur le canapé qui lui sert de lit. Mais les convenances l’emportent : j’étais maquée, et tous mes amis présents ce week-end-là connaissaient le mac… Ce ne serait pas un cadeau à leur faire. Et puis, vas-y que je me sermonne : c’est ridicule de craquer comme ça sur ce type ! C’est carrément typique de la nana qui a des problèmes dans son couple, la libido réveillée par le premier barbu légèrement étranger, équipé du combo parfait mignon-humour total-yeux bleus, qui lui prête attention.
Je refuse d’être typique, question de principe.

Quelques mois plus tard, je l’avais revu à une fête chez Monsieur. Typique ou pas, j’avais passé presque toute ma soirée à l’éviter, le futur Grand Méchant Ex à mon bras, avec cette étrange sensation que les ondes de chaleur-douceur crevaient l’écran, sans parler d’une complicité certaine, faite de chamailleries de gosses qui se cherchent et ont envie de se mordre.

Bref.
Ce soir-là encore, le sommeil m’échappe, et le lendemain matin, au travail, j’ai la tête de traviole et le coeur songeur. Je décide bien vite d’attendre que ça passe. Ça finit toujours par passer, alors…

Alors arrive la pause de midi, et, aussitôt la porte franchie, je saisis mon téléphone et appelle Monsieur : « Dis voir, il a un numéro de téléphone, le Russe ? »


« Allô, bonjour ! C’est Bisoux ! »

« Bisoux..?? Bisoux qui ? »

« Bisoux Magiques ! »

« … Oh !… Ha ! »

« Oui, voilà, j’ai déménagé, et je vais pendre la crémaillère… J’appelle pour t’inviter ! » Quitte à y aller, autant y aller à fond, les pistes noires ne me font pas peur, alors j’ajoute : « Comme ça, tu auras un second pied-à-terre dans notre belle région ! » (Car oui, le Russe habite loin.)

Le type est content ; surpris, mais vraiment content. On parle une heure et demie au téléphone, j’en oublie presque de déjeuner, et je vois des étoiles en plein jour.

Il fait chaud, pour un mois de novembre, non ?

C’est ainsi que tout (re)commença

C’était une belle soirée d’été.

En photo du moins. Parce qu’avec le son, ça partait en sucette avec mon homme, en fait.

Je l’avais rencontré pendant une soirée trois ans plus tôt, presque jour pour jour. À l’époque, je clamais que le couple, ça ne marchait pas, comme si j’étais la seule à m’être rendue compte qu’il y avait une couille avec le concept d’amour-toujours et de fidélité jusqu’à ce que la mort nous sépare, et qu’il fallait de toute urgence que je prévienne les autres du danger.

Mais j’avais envie d’y croire, et c’est dans ces cas-là que c’est le plus dangereux, à mon avis. J’étais tellement à la masse qu’au matin, après avoir dormi 3h collée à lui sur une banquette en bois, j’avais prétexté ne pas avoir de capote pour refuser « poliment » de coucher avec lui. C’est bien connu, dire « non, merci », ce n’est pas très urbain. En même temps, quel mec se ballade avec ZÉRO PRÉSERVATIF ?? En tout cas, ce n’était pas vraiment dans mes habitudes, ni de mentir ni de me refuser, surtout à un beau mec, et surtout après deux semaines de solitude extrême à me bronzer nue dans une maison à la campagne. Je ne sais pas exactement ce qui m’a pris, mais j’ai quelques pistes. D’abord, je croyais que c’était un baiseur, et je ne les aime pas trop. J’aime pas beaucoup l’idée de finir sur une liste, mais alors être l’oubliée de la liste..! Et qui dit baiseur, dit risque exponentiel de maladies, or les miennes, de capotes, étaient dans une autre pièce. La flemme internationale.

Ce soir-là, donc, je lui dis : « la beauté est dans l’oeil de celui qui regarde… Et j’aimerais que tu me trouves belle, mais tu ne me regardes pas ! »
J’aurais pu ajouter qu’il ne me désirait que quand j’étais dans une autre pièce, mais ça virait au sordide. On avait toujours eu un léger souci de ce côté-là, du désir et du corps-à-corps. Déjà que vivre à deux, c’est compliqué, c’est plein de questions et de petits tracas enquiquinants, mais alors vivre avec un beau mec qui a envie de faire l’amour tous les quinze jours… Ma vision de l’enfer.

Sa réponse a sonné le glas de notre relation : « Je ne vais quand même pas te mentir. Je ne te trouve pas très belle. »

J’ai explosé de rire et de larmes. Alors, il a ajouté : « Mais tu as un joli corps, hein ! » Ça m’a rappelé ces mecs, assis en terrasse d’un café, qui commentent, à voix forte pour être sûr d’être entendu de leur cible, la morphologie des passantes. Chaque fois, ça me donne envie de hurler : mais putain, quand est-ce que vous allez vous rendre compte qu’on n’est pas des objets dans une vitrine ?! On a des oreilles, des yeux et un fucking coeur qui bat. MERDE.
J’ai pas attendu qu’on rentre dans les détails de quelles parties de mon corps étaient vraiment bonnes. Mon tout premier amoureux, quinze ans plus tôt, m’avait expliqué pendant une partie de ping-pong (magie de l’adolescence) que mes fesses étaient « presque parfaites », mais (joignant le geste à la parole), qu' »elles auraient dû être un petit peu plus comme ça, que comme ceci. » C’est cela oui… Je me demande pourquoi je n’ai jamais pensé à dire à un mec : « tes pectoraux, ça va… Mais l’abdo qui est là… Franchement… Y a du boulot un peu, non ? »

Bref. S’apercevoir qu’on vit avec un con, ça vous flingue une soirée.

Quelques jours plus tard, mes cartons étaient faits et j’étais partie pour de nouvelles aventures, qui n’allaient pas se faire attendre…